Yuki onna : la femme des neiges qui hante les montagnes du Japon

Basée sur le folklore japonais, la femme des neiges, yuki onna, est devenue une histoire connue après que Lafcadio Hearn l'ait incluse dans son recueil intitulé Kaidan (histoires de fantômes).La femme des neiges est un yokai qui apparaît la nuit, lorsque la neige est épaisse. Elle est vêtue d'un kimono blanc qui rappelle le costume cérémonial mortuaire et elle est entourée de neige. Elle a été associée à la mort dans de nombreux cas. Par exemple en soufflant sur un homme pour le faire mourir de froid ou bien en aspirant son esprit.
Des histoires similaires à la légende de Yuki-onna ont été transmises non seulement dans les régions de Tohoku et de Koshinetsu, mais aussi dans les préfectures d'Ehime, de Wakayama et de Tottori. Elle vient néanmoins originellement d'Ome, dans la région de Tokyo.
Il existe par ailleurs de nombreuses histoires de fantômes au Japon, que vous pouvez retrouvez dans mes livres concernant le folklore japonais et aussi sur mon blog. Bonne lecture !


Article écrit le 04 avril 2023
Auteur : Kévin Tembouret

la dame des neiges



Qui sont les personnages dans l'histoire de la Yuki onna ?

Ce conte japonais met en scène 4 personnages, dont la yuki-onna elle-même :

Il était une fois ... La Yuki-onna

Un jour d'hiver, Shigesaku et Minokichi s'en étaient allés dans la montagne pour couper du bois. Cette année, la neige tombait sans prévenir et le temps se gâta quand ils arrivèrent au sommet de la montagne. Rien ne semblait pouvoir arrêter cette neige battante et glaciale, qui s'épaississait au fur et à mesure qu'elle tombait. Pour éviter de finir en glaçon, le père et le fils décidèrent de passer la nuit au refuge le plus proche. Il ne fallu pas longtemps pour que le père s'endorme. Puis vint le tour du fils, lui aussi épuisé par la tempête de neige.
Lorsque Minokichi se réveilla, de la neige froide lui frappa le visage. La porte de la cabane était ouverte alors qu'il était persuadé de l'avoir bien fermée avant de dormir. Il ferma alors la porte puis, en se retournant, il sentit une présence. Le froid semblait venir de l'intérieur du refuge ...
Il regarda alors sur le côté, son père dormait profondément alors qu'à ce même moment une femme venait de lui mettre une couverture sur le corps. Elle regarda l'homme avec insistance, puis elle respira profondément sur son visage. Shigesaku ouvrit la bouche et il laissa sortir un râle qui s'estompa avec douleur. C'était elle ... la Yuki-onna ... Minokichi comprit immédiatement qu'il s'agit de ce yokai et il frissonna de tout son être.

Elle se retourna et elle le fixa d'un regard glacial. Puis elle lui dit : "J'allais te tuer, mais j'ai décidé de ne pas le faire. Tu es encore jeune. Mais tu ne dois raconter à personne ce que tu viens de voir. Si tu le fais, je viendrai aspirer ton âme."
La femme des neiges disparut alors dans le blizzard et Minokichi s'évanouit. Lorsqu'il se réveilla le lendemain matin, il trouva son vieux père gelé et mort. Il passa le reste de sa vie avec un sentiment d'impuissance, jusqu'au jour o une belle femme frappa à sa porte. Dehors, la neige était forte et il semblait que le blizzard d'antan frappait lui aussi à sa porte. Elle jeune femme recherchait un coin chaleureux en attendant la fin de la tempête. Elle s'appelait O-yuki ("neige" en japonais).

Il ne fallu que très peut de temps avant qu'ils ne tombent finalement amoureux, puis qu'ils devinrent mari et femme. S'en suivirent les choses de la vie, dont la naissance d'un enfant au teint blanc comme la neige.
Minokichi était heureux, même si Onyuki tombait malade très souvent. Sa santé fragile semblait se dégrader dès qu'un rayon de soleil frappait son visage, la rendant physiquement plus âgée d'année en année.

Un soir de blizzard, bien des années plus tard et une fois l'enfants couché, Minokichi se confia à O-Yuki. Il lui raconta l'histoire de la mort de son père, sous la forme d'un conte ancien :
Il était une fois, par une nuit de neige comme celle-ci, une belle femme qui te ressemblait ... Puis il lui avoua avoir rencontré la Yuki-onna
Quand l'histoire fut terminée, O-Yuki se leva et elle cria : "Ah ! Je t'avais dit de ne jamais raconter ce que tu avais vu ! C'était moi, cette nuit-là ! Maintenant, je devrais te tuer ... Mais je ne peux pas le faire pour mon enfant. Je ne peux pas rester ici plus longtemps, tu l'élèveras seul. Et si tu échoues, cette fois-ci ta vie sera mienne !"
Ce disant, Oyuki se fondit rapidement comme de la neige au soleil, laissant derrière une fumée épaisse et blanchâtre.

Quelle est la morale de l'histoire de la Yuki-onna ?

Cette histoire nous apprend qu'une fois qu'on a fait une promesse, il faut la tenir sous peine de perdre quelqu'un d'important. Du moins dans un cas comme celui-ci !
On parle aussi de la valeur morale des parents par rapport à leurs enfants. L'éducation prend une place importante dans la culture japonaise et, même s'il n'est pas rare de voir des couples divorcés, il est nécessaire qu'au moins un des parents soit présent pour son enfant.
Ce conte nous montre aussi des situations sociales délicates, comme quand les enfants "se débarassent" de leurs vieux parents en montagne car ils ne peuvent plus les entretenir : le fils amène le père en haut d'une montagne et il laisse la mort dans son habit blanc emporter son dernier souffle. En parler serait aussi avouer ses torts et mourir un peu soi-même, ou encore risquer la mort sociétale par le rejet d'autrui.

Est-ce qu'il y a d'autres fins possibles pour l'histoire de la Yuki-onna ?

En effet ! Dans certains livres pour enfants publiés sur la Femme des Neiges, on dit que Minokichi est celui qui frappe, à la fin, à la porte du domicile pour vivre avec sa mère. La légende se rapproche alors du mythe d'Oedipe, qui tue son père pour être avec sa mère.
Dans d'autres histoires, O-Yuki aimait vraiment Minokichi malgré le secret dévoilé ils ont jusqu'à dix enfants.
Parfois, la promesse n'est pas rompue et l'apprenti bûcheron continue de vivre dans le déni jusqu'à la fin de sa vie, aux côtés de celle qui a tué son père. Dans ce cas, c'est le cas fréquent de celui qui suit son bourreau de peur d'avoir mal, au point parfois de devenir le Mal lui-même.
Certaines fins humanisent même le yokai, la Yuki-onna, en lui faisant ressentir du regret. Dès lors, elle quitte le domicile familial pour ne plus jamais risquer de faire du mal au bûcheron à présent sans père.